Lundi 8 juin : Pas de boulot ce jour. Je sors de la tente et je tombe nez à truffe avec chouchou patate. Elle grelotte… la nuit semble avoir été difficile pour notre amie à poil… Les troupes s’activent dans cet endroit insolite alors que le soleil s’élève dans le ciel. Le pliage de tentes s’avère bien compliqué. Nos doigts sont gelés.
Qui as dit que la réunion = extrême chaleur. Nous envions les gants d’Aurélien. Il se montre bien plus efficace que nous autres. Nous nous réchauffons autour d’un bon thé chaud aux fruits rouges. Pour accompagner notre breuvage matinal, du bon pain d’épice……Ah non !!!!!!!!!! Chouchou patate en a fait son affaire. Au moins, elle a pris des forces. Elle exagère quand même. Mais bon, elle doit se douter qu’une bonne journée s’annonce.
Direction foc foc avant de longer la crête du volcan jusqu’a la route forestière aux abords de la plaine des sables. Le parcours est sans difficultés. C’est un bon échauffement dans un décor subjuguant. Avec Aurélien, nous ouvrons la piste. Nous en profitons pour refaire le monde tout en prenant quelques photos ou autres films. Au niveau de la route, nous apercevons notre ravitaillement laissé par Seb. Ce dernier nous a quitté en pleine nuit…. Je dormais déjà, il boss aujourd’hui. Au menu de l’eau !!! Super car jusqu'à Cilaos, les points d’eau sont plutôt inexistants. Et en plus de ce liquide bienfaiteur, nous avons la chance de trouver un paquet de TUC et de Twix !!! Merci Seb. Pas de doute, ça c’est du bon carburant.
Les filles arrivent et une partie du butin est déjà engloutie. Quand on lui demande si tout va, Aurélie grimace un peu… je crains que cela puisse s’aggraver. Elle ne se plaint pas mais son visage commence à la trahir. Mais bon, en route.
En tout cas, mes coéquipiers sont aux anges. C’est vrai que sortir de nulle part dans un paysage de science fiction, c’est très fort. Voilà un teck qui vaut la peine d’être vécu. Je pourrai ouvrir mon agence aventure avec des randos à thèmes…..
Nous sommes aux 31 ème kms. Les arrêts pipi se succèdent. Plutôt bon signe, l’hydratation est au beau fixe. C’est groupé que nous pénétrons sur la sublime plaine des sables.
Une traversée pour quitter la région du volcan vers la plaine des cafres. Une ligne droite qui se fait en suivant des petits cailloux peints en blancs pour ne pas s’égarer. Un alignement d’une étonnante régularité…. Le petit poucet vert de l’onf est surement passé par là. Nous nous rapprochons des remparts de basalte. Un oasis de verdure s’offre à nous. Nous envisageons d’ailleurs de futurs randos avec ces jolis lieux de bivouac découvert au gré de notre avancée.
Aurélien se voit déjà évoluer avec sa moitié sur une traversée en 15 jours. Je piquerai peut être son idée pour une ballade de noce avec Nath. A voir.
Après un bonbon laetitien, nous attaquons la montée de l’oratoire st Thérèse. Je me sens pousser des ailes et avance sans trop me retourner. J’arrive rapidement au sommet en compagnie de chouchou patate. Je croise, pour la première fois de l’aventure, des randonneurs. En attendant le reste des troupes, j’admire le paysage. 360 degrés de plénitude. 360 degrés d’une rare beauté sans nuages avec pour symbole le piton des neiges qui s’élance dans le ciel. Aurélien arrive fier comme un paon. Il est heureux. J’aime les gens simple. Laetitia apparaît et me semble un peu blanche. Quelques barres céréalières lui donneront l’énergie nécessaire. Nous sommes tous d’accord, la montée n’était pas si compliqué et puis face à un si beau paysage, on ne peut pas se plaindre. Aurélie, équipée de ses deux bâtons, nous rejoint un peu gêné de son retard. Nous la rassurons mais du coup ses pauses sont plus courtes que les nôtres. Je la rassure car la prochaine étape c’est le piton Textor. Jusqu'à ce point stratégique, la majeure partie du chemin sera différent à savoir de la bonne descente. A ma question, aurélie me répond que ça va surement aller mieux. Je crois que l’on n’avait pas mesuré le coté intraitable de ce parcours.
Dès le début de la descente, les douleurs se sont accentuées avec une dureté certaine. Cela me rappelle mes blessures de l’année passée avec ce mal qui touche tant de coureur. Les genoux crient et la décision n’appartient qu’à aurélie. Une pause repas s’impose. S’alimenter, se reposer, relativiser, s’encourager, se compoter…… Oui, aurélie n’est pas tombée dans les pommes mais presque… Elle a découvert dans son sac une bonne compote qui a bien éclaté…. Dr mamour opère en pleine nature, entre les bouses de vache. La patiente n’a pas trop le choix. Elle a mal et se trouve en tenue très légère. De toute façon Laetitia avait prévenu « pas de pudeur durant ces six jours »…. Comme ça, c’est dit. Dr mamour « prend » aurélie pour une momie…. Je me dis que nous avons été gentils. L’appareil photo aurait du être de sortie. Pendant ce temps, Chouchou patate perd pas son appétit. Elle se nourrit de tuc et refuse la compote.
Le chemin reprend en direction de notre objectif le piton Textor. Le silence est de mise car nous savons que la douleur paralyse notre coéquipière. Son visage nous exprime de la tristesse, de la déception mais surtout de la douleur. Arrivé aux 40 ème kms, nous prenons la décision d’atteindre la nationale 3, du côté de la secoupe volante (fameuse discothèque réunionnaise), afin d’y faire le point. Dans ce dernier tronçon où les roches volcaniques ont laissé place à la verdure normande, Aurélie pense, réfléchis, chemine vers une décision qui semble de plus en plus inévitable.
Le décor est rafraichissant, le brouillard se lève, et j’aperçois mon premier tangue. Avec Laetitia, nous faisons diversions pour que chouchou patate laisse tranquille ce petit animal qui est transi de peur… Nous avons sauvé un tangue… Ouf. Le chemin est souple, présente moins d’obstacle. La nuit tombe quand nous atteignons la route départementale au niveau du chalet des plâtres. Avec nos frontales, nous préparons notre diner au point kilométrique 45,5.
C’est le moment choisi par Aurélie pour nous informer qu’elle préfère mettre un terme à cette jolie aventure. Seb va venir la chercher. Elle a le cœur gros mais c’était une sage décision. Nous sommes fiers d’elle car elle a été au-delà de ses limites. Elle s’est montrée à l’écoute de son bien le plus précieux, son corps. Et puis, ce n’est que partie remise. Alors remets-toi bien Aurélie !!! A bientôt sur les sentiers.
Avec Laetitia et Aurélien, nous prenons nous aussi une décision improbable. Nous avons eu un moment d’absence surement. Nous décidons de continuer le chemin de nuit en direction du gite du piton des neiges. L’objectif fixé est le coteau kerveguen.
Mais à quel heure va ton arriver là haut ? Là est la question. Après quelques kilomètres de routes, nous traversons la nationale et continuons sur cette longue ligne droite bitumée. Il fait plutôt bon, pas trop froid et le rythme est excélent. Un temps agréable sous les étoiles.
A mare à boue, Aurélien se lâche après nous avoir fait peur. Il se tord en deux et semble bien souffrir du bas ventre. Il a mal et sa douleur me fait mal. Il trouve un bon rondin qui lui servira de trône……… No comment. En tout cas, cela a eu son petit effet. Cela vous remet un homme en marche !!!!!
50,5 kms de fait. Et nous voilà en file indienne au cœur des champs. Au détour d’un pré, nous croisons quelques belles vaches. Leurs regards nous indiquent leurs surprises de voir des autochtones bien courbés par des sacs trop lourds…. Plus nous grimpons et plus l’humidité nous gagne. Une montée bien difficile avant d’atteindre des descentes sévères agrémentées de grandes échelles. Le soucis, c’est que chouchou patate, si vaillant auparavant, semble bloqué…. Oui, elle risque l’élimination définitive du défi… C’était sans compter sur Laetitia qui la prend dans ses bras….. Un moment digne de « Belle et Sébastien », c’est beau.
Dès que nous faisons une pause, le chien se met en boule et commence à dormir. Enfin, un être raisonnable. Mais non, ce n’est pas finit. Et voilà encore un panneau qui nous indique que nous sommes à deux heures du but….. Bref, ça craint, nous sommes toujours à deux heures et plus nous avançons plus ça grimpe.
Minuit et toujours en action. Je m’échappe, allonge le pas et décide de trouver un coin pour bivouaquer. La pluie commence à bien tomber, ce qui rend le chemin dangereux, d’autant plus que la lucidité diminue. J’arrive enfin au coteau maigre à 2000 m d’altitude.
Il pleut. Je commence à monter la tente d’Aurélien. Je fais au plus vite. Ca y est, elle a une forme de tente mais il y a un truc qui cloche….. A voila mes coéquipiers. Nous remontons la tente dans le bon sens et nous nous jetons dans notre abri de fortune. Il est 1H 30 et nos sacs sont trompés tout comme nous. Tampis pour les étirements malgré l’insistance de Laetitia. Mais le docteur mamour est fatigué alors…. Nous avons quand même marché 56 Kms en deux jours.
Sinon, c’est ma dernière nuit avec mes coéquipiers. En effet, mercredi je travaille. Donc demain, je me suis prévu un bon parcours pour retourner sur St Denis. Je prends la décision de repartir dans trois heures. Je n’arriverai pas à m’endormir. Il pleut sans cesse et tout est trempé. Et puis, cette odeur de pieds………….Je ferme les yeux, regarde régulièrement ma montre et me prépare mentalement au défi qui m’attend….