Depuis un an :
Déjà un an que j’ai eu la joie de franchir la ligne d’arrivée du semi raid. Une belle aventure pour mon premier trail longue distance. Après une grosse défaillance à Dos D’ane, j’avais pu relancer et terminer à une belle 67 ème place après 11 H 18 d’effort. Une découverte de moi-même, de mes limites où comment être au bout du rouleau à dos d’Ane et survoler le sentier goyavier et colorado. Mes entraînements avaient été récompensés. Après un mois d’arrêt complet et un retour progressif sur les sentiers péï, j’ai été contraint à multiplier les visites chez mon gentil médecin. Ce dernier me diagnostiqua une monucléose et une hépatite A…..rien que ça…… D’après lui et bien d’autres, je vais subir les effets de ces deux maladies durant au moins un an. Au programme : fatigue générale, faiblesse, virus et douleurs articulaires. Et en effet, ces différents maux ont été mon quotidien durant une grande partie de l’année 2008. En février après ma reprise d’entraînement avec mon club (deniv à St denis), j’ai eu la joie d’observer et ressentir une série de tendinites. Chaque tendon a eu sa part du gâteau,…, du pied au genou en passant par la cheville. Alors, j’ai commencé ma longue relation avec ma kiné préférée, la bien connue julita, « experte » dionysienne de la tendinite. Deux mois de rééducation et me revoilà sur les sentiers. En mai, j’en profite pour faire la course du géranium qui fait office de championnat montagne (14,5 Kms pour un dénivelé positif de 1300 mètres). Une belle montée pour une reprise mais beaucoup de plaisir à ressentir ses douleurs musculaires. Enfin des douleurs que j’aime….. Je finis dans les choux ou plutôt dans les tamarins en 2 heures. Au moins de juin et après avoir été tiré au sort pour le grand raid, je décide de faire quelques sorties un peu plus longue. Tout se passe bien mais je ressens de manière récurrente ma tendinite rotulienne au genou droit. N’écoutant que moi-même et surtout pas amis kinés, je m’aligne au trail de Cilaos mi juillet (36 Kms avec 2656 mètres de dénivelé positif et 2661 mètres de dénivelé négatif). Malgré une belle sortie puisque je termine le trail au bout de 7 heures à la 115 ème place, je déplore le réveil de plusieurs tendinites. A partir de ce trail jusqu’au 20 septembre, j’ai passé plus de temps chez la kiné que sur les sentiers réunionnais. Deux séances hebdomadaires et deux footings légers ne dépassant pas la demi-heure. Après échographie, le mal était découvert: bursite au genou gauche, bursite et tendinite au tendeur du fascia lata au genou droit. Mon médecin et julita sont toujours restés confiant sur ma participation au grand raid. J’avoue que j’étais plus pessimiste voire très pessimiste. Un mois avant la course, j’ai le feu vert de la kiné pour augmenter mes temps de sorties mais toujours progressivement selon ses conseils que je suis à la lettre ou plutôt à la semelle. Alors, j’alterne les footings à champ fleuri, au front de mer et évite tous les terrains escarpés. Pourtant, dans un mois, je ne participe pas à la diagonale du sable où comment traverser la plage d’est en ouest. Mais ce n’est pas grave, je cours et c’est cela le plus important. Trois semaines avant le grand raid, je prends enfin ma décision en accord avec la kiné et le médecin : je serai a cap méchant pour participer à mon premier grand raid. Ma position est celle-ci : je pars et en cas de réveil des bursites ou tendinites, je m’arrêterai pour préparer sereinement l’édition 2009. Petit tour chez la podologue qui me prépare les pieds. Tout beau tout propre pour traverser l’île. Deux semaines avant le grand jour, je fais une petite sortie avec Arnaud Moel, ancien collègue de l’hôpital et surtout grand coureur local. Je lui évoque mes inquiétudes sur mes douleurs. Lui, m’évoque mon manque de préparation pour une telle course. Ah oui,……. Ça risque d’être dur avec une dizaine de footings. Alors le lendemain, je pars de la redoute jusqu’au kiosque d’affouches pour grimper un peu,… comme si j’allais rattraper le temps perdu…. J’ai surtout été rattrapé par mes doutes au vu d’une montée qui s’est avérée très pénible. Avec du recul je me dis que c’est normal après plusieurs mois sans dénivelé.
La dernière semaine, je badigeonne quotidiennement mes pieds et entre cuisse d’une crème anti frottements pour éviter ampoules ou autres irritations. J’augmente mes apports glucidiques avec des kilos de pâtes et une boisson énergétique (malto). Je fais également une cure d’ACM20 pour l’apport protéinique. Je n’oublie pas de boire et boire, puis reboire. 4 à 5 litres pas jour, ce qui me fait gonfler. Vraiment, je vous le jure…..
J- 1 :
Je suis au travail car cela m’évite de trop penser à l’aventure qui m’attend. Mais mes collègues sont là pour me rappeler dans quelle galère je vais m’engager. J’essaye de faire abstraction au maximum, pas facile. En soirée, je vais retirer mon précieux dossard. Après une bonne heure d’attente, je m’approche du bout de papier tant souhaité. Quelques coureurs commencent à se plaindre du manque d’organisation du site et de l’attente bien trop longue (ils ont pas tord d’ailleurs). Quelques un évoque même la chance de l’invité Laurent Jalabert qui lui n’aura pas à rester debout au soleil. Et la, surprise, une petite voix derrière nous perce les « on dit » par un « et bien non, j’attends comme vous tous ». Je salue l’ancien coureur cycliste et continue mon chemin de croix. Me voilà au bout avec mon dossard numéro 1846. Mention spéciale pour des t shirts adaptés à la course à pied. Au revoir, les jolis tshirt cotons qui sont si peu agréable en temps de pluie…. Malheureusement, il parait que tout le monde n’a pas eu le sien.
Jour J :
J’ai pris ma journée et je m’impose une matinée de repos. La nuit a été bonne, ce qui est déjà une bonne chose. Natacha est également en congé et se repose. En effet, son défi s’annonce lui aussi de taille. Elle va faire mon assistance sur l’ensemble du parcours. Je prépare tous mes sacs que ce soit le matériel, les tenues, l’alimentation. J’espère ne rien oublier mais j’y ai tellement pensé ces derniers jours que ça va le faire. En fin d’après midi, nous prenons la direction de St Philippe sous la pluie. Depuis deux jours, nous sommes sous les nuages d’une dépression tropicale baptisé Asma. Si elle s’éloigne de nos côtes, les nuages arrosent encore bien l’île. A 21 heures, nous sommes sur le site de cap méchant et étonnement il ne pleut pas. Dernier repas : salade de pâtes, tomate, jambon, petit pot pour bébé saveur pomme poire comme avant mes compétitions de roller quand j’étais plus jeune. Et puis, je commence à me préparer :
Crème anti frottements sur les pieds, entre cuisse, tétons (bah oui, quand ça fait mal, ça fait mal). Elastoplasme posé dans le bas du dos pour éviter les frottements avec mon sac, duoderme et elasto posés sur les talons en prévention. En effet, j’ai pu remarquer l’apparition régulière d’ampoules sur mes talons lorsque je cours avec mes oasics trabucco, notamment en montée. Dernièrement lors de mes dernières sorties, j’ai pu voir l’efficacité de mon petit pansement. A voir si cela va tenir sur la durée. Je pars en collant, t shirt du club, débardeur de l’organisation, un bonnet et des gants. Dans le sac, mon k way tout nouvellement acheté.
Un dernier bisous à Natacha et je me dirige vers le sas de départ. Je me retrouve de nouveau aux côtés de Mr Jalabert qui me demande pas très rassuré si c’est mon premier grand raid, je lui répond que oui. A cette réponse, il me demande si c’est mon premier trail, je lui réponds que non. Il a beaucoup d’appréhension car lui c’est son premier trail. Mais, je ne me fais pas de soucis sur ces capacités physiques. Tu ne fais pas un marathon en 2 H 45 et tu ne te places pas dans les meilleurs lors d’iron man sans un minimum de conditions physiques. A ce moment là, je pense à ma courte préparation….. Contrôle des sacs : j’ai tout le matériel obligatoire, c’est bon je suis autorisé à devenir fou. Une fois dans le sas, je discute entre deux barrières avec Stéphanie, mon ancienne collègue de l’hôpital et je lui parle de mon nouveau boulot. Une jolie manière de destressé. Mais le temps passe et je me rapproche de la ligne de départ. Je retrouve Ketty la secrétaire du club qui me prend en photo, puis son mari Bernard qui court lui aussi. Il me donne des conseils car il a plusieurs Grands Raid dans les pattes. Puis, une annonce est faite : une lampe frontale a été retrouvée. Je pose ma main sur ma tête et là : montée de stress, j’ai plus ma lampe, je cherche partout, c’est bien la mienne. Une fois récupéré, j’attends en silence le départ. Ouf. 5 4 3 2 1……. Les fauves sont lâchés. Des applaudissements, des cris de joies, des tambours, le bruit si particulier de milliers de chaussures avançant dans les graviers,…., puis à contre sens une coureuse qui pleure et crie, elle vient de perdre une de ses chaussures. Angoisse pour elle…….. mais que faire…..
Départ minuit, St Philippe, KM O, 17 m d’altitude :
Je suis entouré de tous les côtés. Des coureurs ( 2500) partout et une haie d’honneur faite par les nombreux spectateurs. Je trottine à allure très raisonnable, me retourne parfois pour observer la beauté d’une procession de lampes frontales. Direction le volcan pour nous tous. Rapidement, je fais un arrêt pipi pour fêter le temps qui est super agréable. Les prévisions météo sont fausses et bien tant mieux. Après du beau bitume, nous nous engageons sur une route forestière qui monte doucement mais sûrement. J’alterne la course et la marche dès que la pente devient plus sévère. J’essaye de garder mon rythme et ne surtout pas me laisser entraîner par des coureurs qui semblent avoir un rendez vous important au volcan. Un coéquipier de club et de kiné revient à ma hauteur, il s’agit de Philippe C. Il se dit content de participer à la course. Moi aussi, ça tombe bien.
Basse vallée, premier ravitaillement :
A ma montre, il est deux heures. Je n’ai aucun repère horaire donc je me dis que je suis dans mes temps….. Je ne prends rien au ravitaillement car pas besoin. Toutes les heures, je prends un gel glucidique et bois très régulièrement. Toutes les deux heures, je prends aussi de l’homéopathie pour éviter contractures et crampes. Raphaël, un copain de club et pharmacien me l’a conseillé. On verra bien.
J’enchaîne avec le sentier et nous voila tous en nombre à la fil indienne. Cela monte à un bon rythme qui me satisfait pleinement. Deux ou trois gros ralentissements où on se demande si il n’y a pas une baleine dans le coin. Ces petits arrêts me permettent de bien m’hydrater et de couper mon effort pendant quelques secondes. Quelques coureurs semblent déjà dans le rouge, sont sur le côté et attendent un coup de mieux. La terre et autres racines se transforment en roche volcanique. Je fais quelques légères pauses. Ces micros coupures me font du bien et me permettent de monter à un rythme assez régulier.
Foc Foc, le jour se lève : 5 h 30.
A mon arrivée, j’aperçois Fabien, un copain de club. Je suis étonné de le voir ici au vu de sa performance de l’année passé pour son premier grand raid. En effet, il avait terminé en 37 h 39. Il ne semble pas dans son assiette et se dit fatigué. Il va faire une petite sieste. Je prends une soupe, un bout de banane et raisins secs. Ensuite, je remplis ma poche d’eau qui commençait à désecher et me voilà reparti. Je marche et trottine. Je suis souriant, le paysage est somptueux. Des coureurs-touristes fraîchement arrivés pour le raid s’arrêtent pour prendre quelques photos.
Parking volcan, 30 ème Kms (2320 m d’altitude) :
Satisfait d’arriver à ce poste car c’est le premier pointage électronique. Natacha, Aurélie (une amie kiné) vont recevoir un sms leur indiquant ma position. Petite pensée à ma famille et amis qui suivent mon grand raid de métropole via Internet (site grand raid et radio RER). 6 heures 35, 847 ème. 5 minutes d’arrêts où je m’alimente tranquillement. En petites foulées je m’éloigne des gentils bénévoles et vais jouer dans le paysage lunaire.
Le soleil est bien présent et je suis motivé car Natacha est présente au prochain ravitaillement. Je cours le plus possible en profitant des terrains moins escarpés. Je fais la montée de l’oratoire de St thérese en compagnie d’un monsieur qui fait cette course pour fêter ses 67 ans. Impressionnant. Je prends garde dans la descente avec un sol plutôt instable. J’arrive enfin à Piton Textor, 40 ème kms. Je cherche Natacha, mais ou est elle. Ca y’est je vois son joli sourire. Elle m’a installé un petit stand. Je m’installe sur la chaise pliante, je lui donne mon bonnet, mes gants qui me seront plus utile. En échange, j’embarque ma casquette. Je décide de ne pas enlever mon collant pour mettre un cuissard, je le ferai a cilaos. Je rempli ma poche d’eau, un petit « a bientôt » et hop je pars après quelques photos.
La traversée des multiples prairies se passe sans difficultés. La pluie commence à faire son apparition, ce qui me refroidit rapidement. J’enfile mon k way et commence à avoir des échauffements entre les cuisses. Arrivé sur la route, j’entame une longue marche. Avec du recul, je ne sais pas pourquoi j’ai pas couru sur cette portion. J’ai été sage mais sûrement un peu trop. Beaucoup de coureurs me dépassent et la pluie commence à s’intensifier. Au niveau de la RN2, Natacha m’attend avec son grand parapluie et toujours cette petite chaise. Je m’assois, discute avec elle, essaye de manger une barre énergétique mais cela ne passe pas, j’opte une nouvelle fois pour un gel qui ne me pose pas de difficulté. Après 10 minutes de pose, je continue ma marche en direction du poste de mare à boue au 50 ème kms.
Mare à boue, 50 Kms, 1594 m d’altitude : 9H46, 881 ème.
Un militaire rempli gentiment ma poche d’eau, je prends une soupe pour me réchauffer, un bout de pain et je ne m’attarde pas sur ce site. Physiquement, je n’ai pas de douleurs à part des plaintes musculaires qui sont tout à fait normal au vu de l’effort en cours. Mais, j’avoue que je ne suis plus habitué à souffrir comme ça.
Je repars de Mare à boue, direction le gîte du piton des neiges. Dans ma tête pour me motiver, je scinde l’étape en deux avec une étape repos à kerveguen. La montée se fait à un tout petit rythme. Je suis loin de l’allure que j’avais lors d’une sortie sur ces sentiers au mois de juin dernier. Avant Kerveguen, je trouve Willy, camarade de club, qui est assis sur le bord du chemin. Il se ravitaille et se plaint de douleurs aux genoux. Je l’encourage et repars. Arrivée à Kerveguen, j’ai la surprise de découvrir l’absence de ravitaillement. Juste un stand croix rouge. Heureusement, il me reste de l’eau et il fait bien gris. Un petit gel pour encore une heure d’ascension. Nous montons en groupe. Je pense à Yannick, un copain militaire qui dans ce type d’effort stimule ses troupes pour avancer en groupe. Enfin le gîte…..
Gîte du piton des neiges, 62 Kms, 2484 m d’altitude : 13 heures 48, à la 828 ème place.
Thierry, mon ancien cadre et bénévole sur ce site me félicite et me sert un coca. J’appelle Natacha pour savoir où elle est. Elle vient d’arriver à Cilaos et se repose. Cela me rassure. Je lui dit que la montée a été éprouvante et que je commence à avoir moins d’envie. Le début d’une longue réflexion….. Les jambes deviennent lourdes et mince c’est long,…., et je suis pas encore à la moitié……. Natacha m’informe que sur RER, il vient d’avoir un message de mon frère et ma sœur à mon intention. Ils m’encouragent. Je suis ému et je repars vite. Je découvre la descente du bloc que je ne connaissais pas. Je descends plutôt rapidement, rattrape des coureurs. Mes tendinites ne se réveillent pas, ce qui me donne des ailes. Par contre, je la trouve un peu longue cette descente. En plus, ça glisse pas mal avec toujours cette pluie fine qui nous sert de brumisateur. La fin devient compliquée, et plus traumatisante. Je réduit mon allure et suis très content d’arriver au niveau de la route. Je cours toute la partie route jusqu’au stade de Cilaos avec Eric un camarade de club. Nous discutons de nos envies d’abandons mutuels dans cette ville, réputée ville aux abandons. Ce qui est contradictoire, cette notre allure qui nous permet de rattraper un certain nombre de coureurs. Nous voilà au Km 69. Eric abandonnera à Cilaos.
Cilaos, 69 Kms, 1224 m d’altitude. Arrivée : 15H37, 777 ème :
A mon arrivée, la pluie s’intensifie méchamment, je me réfugie sous la tente des kinés où je retrouve un collègue kiné de mon nouveau boulot à savoir mathieu. Il me dit d’attendre un peu, de me rincer et de la retrouver pour un massage. Il en profite pour remonter mon moral et pour me faire comprendre que je n’ai aucun pépin physique, que c’est juste une histoire de mental. En fait, j’étais tellement persuadé que mes tendinites allaient se réveiller, que je n’avais pas imaginé aller plus loin que Cilaos. Mais il n’en est rien. Mathieu m’a fait réfléchir et tant mieux. Un petit tour chez le podologue qui enlève mes pansements de fortune. Je n’en remettrai pas car je change de chaussure. Sinon, trois mini ampoules de traitées et je retrouve Natacha. Il pleut, je croise Mr Jalabert qui n’a pas l’air au mieux. Il prend de mes nouvelles, je lui dis que tout va pour ne pas l’embêter avec mes doutes. Je crois qu’il a besoin de positif à ce moment de la course.
Natacha m’a trouvé un coin au sec, à l’abri du vent. Je l’informe de mes questionnements et nous convenons d’une chose : je vais repartir et nous referons le point au pied du taibit. Je me change intégralement, prend mes montrails, mange ( pain d’épice, gâteau sec) puis je prends une frontale en plus pour la nuit qui m’attend. Je prends le chemin du départ et je croise par hasard, trois gars du club : Willy, Fabien qui s’est refait une santé et Michael qui n’est pas au mieux. Il dit qu’il continue pour sa femme. Nous repartons à quatre après 17 heures de course (793 ème). J’ai de plus en plus mal avec mes échauffements et adopte une posture de cow boy. Michael me donne un tube de vaseline. Je l’en remercie car je pense que la suite aurait été plus compliquée sans cette crème. Après la traversée de Cilaos, nous descendons vers cascade bras rouge. Je laisse partir mes trois acolytes car je n’arrive pas à suivre leur rythme. Je rejoints par contre le petit groupe de Mr Jalabert. Je ferai un bon bout de chemin avec eux. La nuit tombe progressivement mais le temps est clément, ce qui ne perturbe pas trop notre avancée très régulière. Sur toute cette partie, je réfléchis beaucoup en alternant mes pensées d’abandons. Un coup oui, un coup non, à l’infini.
Pied du Taibit, 76 Kms, 1260 : 19 heures 13 à la 771 ème.
Un copain de Mr Jalabert décide d’abandonner. Moi, je ne sais pas, toujours pas. Je resterai une demi heure à me poser la question. Natacha me réconforte, nous discutons beaucoup. Je sais pertinemment que beaucoup de coureurs donneraient tout pour être aussi frais que moi à ce pointage sans aucune douleurs de type crampes, contractures, tendinites,… Je m’en veux pour ça mais j’ai plus d’envie. Elle m’écoute surtout, j’arrête pas de parler. J’appelle mes parents en métropole pour leur exposer la situation. Mon père, expert de la course de longue durée (100 Kms, 24 heures) ne passe pas par quatre chemins. Je dois continuer, un point c’est tout. J’aurai la nuit pour me refaire une envie et puis voilà. Cela aura suffit pour me décider. Je repars après 40 minutes de raid cérébral. Natacha me donne mon i pod et j’entame la montée. Jalabert repart au même moment. Il monte plus vite, je le laisse. Derrière deux lyonnais, je grimpe à rythme de sénateur. Une petite tisane ascenseur au niveau des trois salazes avant de voir au loin des lumières haut perchées dans la montagne. Et bien, je ne suis pas rendu au somment. Puis, le monsieur qui me précède est pris de crampes et tombe hors du chemin. Jacques se retient avec les branches mais se retrouve plusieurs mètres en contre bas. Je vais le chercher et l’aide à remonter sur le chemin. Grosse frayeur pour nous deux. Je resterai à ses côtés au vu de ses difficultés. Enfin au somment (2000 m d’altitude), nous entamons la descente vers Marla. Jacques me demande de le laisser et me remercie pour mon aide. Je suis embêté mais l’écoute. Je cours, j’ai repris de l’énergie, de l’envie !!!! Arrivé à Marla.
Marla, 82 Kms, 1580 m d’altitude : 22 heures 38 à la 718 ème place.
De nombreux coureurs du club sont présents : Fabien, Willy, Philippe, Jean christophe. Je mange chaud. Beaucoup dorment à même le sol dans leurs couvertures de survie. J’ai froid, je décide de ne pas congeler ici. Je repars avec Fabien et willy. Commence alors le bal des textos d’encouragements. Au courant de mon coup de moins bien, les amis me reboostent. Je me sens bien, cours dans la nuit avec mes deux frontales. Merci à Thierry pour le conseil. Fabien et Willy vont plus vite, surtout en descente, je les rattrape dans les montées. Arrivé à trois roches, nous faisons une pause. Fabien ferme les yeux. Moi, j’observe. Je sais pas quoi mais j’observe. J’oubli pas de m’alimenter et de boire. J’écoute mon ipod mais celui-ci ne marche plus. J’essaye tout mais rien ne marche. Cela m’énerve, je le ramasse et n’essayerai plus. (Après la course, je le ferai fonctionné du premier coup…).
Nous décidons de partir. Je traverse péniblement la rivière. Je déteste çà, surtout depuis ma chute au trail de Cilaos. Nous prenons la direction de roche plate. Une nouvelle fois, Fabien et Willy me lâchent. Je fais ma course et m’affole pas. Je me retrouve seul avant d’être doublé par de nombreux coureurs en groupe. Sensation bizarre. Comme si le train illuminé de nuit te rattrape mais t’attends pas. De nouveau seul et sous la pluie, je commence à être en difficulté. Je n’y vois rien avec mes lampes à diodes. Or je connais la dangerosité du terrain. J’avance pas après pas. Deux coureurs sont perdus : « Où est roche plate » je leur montre le chemin et ils me répondent « Où est roche plate ». Un petit manque de lucidité… Je leur propose un gel qu’ils prennent. Ils me suivent. Tout au long du parcours je rencontre des coureurs enveloppés dans leur couverture de survie. Le fait de me concentrer sur le chemin me fatigue beaucoup. Je commence à dormir en marchant. Roche plate sera mon lit de Mafate.
Roche plate, 95 Kms, 1110 m d’altitude : 27 H11 à la 718 ème place.
Willy dort au chaud sur un lit de camp, Fabien est assis par terre tête sur les genoux et essaye de dormir. J’en fais de même. Mais, il fait froid. Je mets mon réveil en envisageant une demi heure de sommeil. Mais je ne m’endors pas. Toutefois, cette pause me sera bénéfique pour la suite. Je repars motivé, un peu courbaturé et surtout souffrant de mon échauffement. De nouveau, Fabien et Willy me lâchent, je ne les verrai plus de la course. Je découvre la nouvelle portion 2008 du grand raid. Une longue descente que je trouverai bien longue et une longue montée que je trouve avoir bien géré. Je regarde amusé le panneau qui se présente à nous « Danger de mort ». Peu de pauses et surtout beaucoup d’énergie pour arriver en courant à Grand place les hauts (103 Kms, 500 m d’altitude). Je m’y présente en 31 heures à la 687 ème place. Je remonte de nombreux coureurs, ce qui est très motivant. Je fait le plein d’eau, me pose 5 minutes avant de repartir. Il fait bien chaud. Je suis heureux, souriant, je m’élance pour cette partie de Mafate que je connais bien.
Je remonte les coureurs un par un. Pas de soucis. Je suis surpris de ne pas trouver de ravitaillement à îlet a bourse, îlet a malheur. Je lirai bien le road book la prochaine fois. En plein soleil, je grimpe au prochain ravitaillement.
Aurère, 112 Kms, 750 m d’altitude: 33 heures 51 à la 667 ème place.
Ce sera mon meilleur classement sur mon grand raid. En tout cas, au revoir mes doutes, je sais que je finirai ce grand raid. J’ai la chance d’être encore frais, pas fatigué et surtout non douloureux. Juste mes irritations, de nouvelles ampoules et des jambes trop lourdes.
Je repars en marchant et craint la descente vers deux bras. Je commence à en avoir marre des descentes. Les chocs sont difficiles à supporter. Je ferai une grande partie du sentier en marchant. Petit coucou à jean Laurent, camarade de club qui vient nous supporter puis à Damien ancien collègue infirmier qui se fait une randonnée entre amis. Pas sûr qu’il est bien choisi son jour. Je double deux concurrents plutôt très mal en point et je m’interroge déjà sur la traversé de la rivière qui va se présenter à eux…….
Deux bras, 121 Kms, 255 m d’altitude : 35 h 50 à la 667 ème place.
Je suis content d’être sur ce site. Je vais directement voir un kiné. Massage décontractant des cuisses et mollets. A mes côtés, Mr Jalabert se fait lui aussi masser. Il n’est pas bien et commence à en avoir vraiment marre. Je crois que l’abandon de son ami l’a beaucoup touché. Ensuite, direction la pédicure qui prendra pas mal de temps pour rendre mes pieds comme neuf. Chouette. J’aperçois Jean Christophe et Michael. Par contre, j’ai l’impression d’avoir pris beaucoup de temps pour tous ces soins alors je grignote très rapidement deux ou trois gâteaux et repart après 36 heures 55. Et avec qui ? Encore avec Mr Jalabert, très motivé ….. pour en finir. Alors moi aussi, je le suis mais je ne tiens pas le rythme de ces coéquipiers. Je trouve une nouvelle fois cette montée interminable. Il pleut, cela devient pénible. J’entends toujours la voix de Mr Jalabert quelques mètres devant et les blagues des autres coureurs qui commencent à être pénible. Je cite « Alors, Jaja il monte avec quel braquet ? » « Alors, il est ou ton maillot à poids ? » ou encore « Jaja, un autographe ». Il faut du sang froid pour ne pas s’énerver. Ca y est le chant du coq, j’approche, la route. J’aperçois Natacha, Aurélie et mes amis de métropole arrivés ce jour. Drôle de retrouvailles. Ils marchent à mes côtés jusqu’au stade.
Dos D’Ane, 128 Kms, 1064 m d’altitude : 39 heures 42 de course à la 702 ème place.
Jean Christophe et Michael repartent à mon arrivée. On m’informe que Raphaël est déjà arrivé à la redoute, que Fabien et Willy sont repartis il y a une heure 30. Je discute un peu avec mon médecin qui me trouve plutôt en forme. Je m’installe sous la tente du club, prendre quelques tucs, m’hydrate, change de tshirt et 20 minutes de pause plus tard je laisse ma chérie et mes ami€s. Rendez vous au Colorado. Normalement dans 4 heures, si tout va bien (ce ne sera pas le cas). Il est 16 heures 10 et il me reste un peu de temps avant la nuit. Je monte en suivant le rythme d’un raideur. Mon erreur est de ne pas m’écouter comme je l’ai fait toute la course. Je suis le rythme très léger de ce coureur alors que je pouvais profiter du jour pour avancer le plus loin possible. 18 h 30, la nuit tombe sur nous à quelques mètres du kiosque d’affouche. Il faut faire attention le terrain est très boueux. J’avance à petit pas et y arrive enfin après quelques frayeurs. Ensuite, c’est la piste forestière que j’attendais avec impatience pour dérouler, me faire plaisir. Le problème, c’est qu’il pleut et que l’on y voit rien du tout. Alors on se repère par rapport au fossé. C’est galère. Je regrette de ne pas avoir avec moi ma lampe a main. Mes deux lampes a diodes ne me servent à rien. Je rencontre Olivier un coureur métro avec qui je finirai mon grand raid. Une fois sur le chemin, j’angoisse de plus en plus et avance au ralenti. Nous tombons tous un par un. Nous nous accrochons aux branches, faisons du patinage avec figures imposées. Le sentier ne ressemble plus aux sentiers de mes entraînements. Un raideur appel les pompiers, il semble s’être cassé le bras, un autre pleure sur le bord, il ne peut plus bouger : la cheville semble mal en point….. On propose de l’aide mais rien à faire a part alerter les secours au prochain poste, ce que nous ferons. Olivier me rassure et me décrit le terrain et les obstacles. Je pense à mes amis au Colorado qui doivent se demander ce qui se passe. Quelques « fous » nous doublent à vive allure. Nous les retrouvons blessés quelques mètres plus loin, pour beaucoup d’entre eux. De plus, je me sens fatigué par la concentration que cela nous demande. On y voit rien, on glisse, j’angoisse……. Arrivé à la fenêtre, je souffle un peu et repart. Le reste du chemin sera plus facile à aborder. Enfin la boule, content de retrouver de la bonne herbe. Olivier a du mal dans les descentes alors je vais à son allure jusqu’au ravitaillement. Il me dit qu’il ne va pas tarder sur le stand car ses amis l’attendent lui aussi mais à l’arrivée. Je lui souhaite une bonne continuation. Nous arrivons et ses amis lui sautent dessus. Ils lui ont fait la surprise de venir au Colorado.
Colorado, 142 Kms, 680 m d’altitude : 46 heures 17, à la 766 ème place.
Il fait bien froid mais l’ambiance est chaleureuse. Je m’excuse auprès de mon assistance pour mon heure d’arrivée. Il me disent que c’est n’importe quoi mes excuses. Une soupe, des carrés de chocolat, des encouragements de mes amis, un bisous de ma chérie, et je repart avec Olivier. Un troisième raideur se joint à nous, Pascal qui n’avance plus comme il le dit. Je passe devant et j’ai mené l’ensemble de la descente. De nombreux coureurs nous doublent. J’impose trois petites pauses mais plus on descend et plus mes deux coéquipiers ont du mal. Je les attends, les motive. Pascal fait une chute en avant. Rien de grave, heureusement. Olivier en a marre et trouve la descente bien longue. Le pont vin-shan se rapproche, nous nous attendons, marchons jusqu'à l’entrée du stade. Ensuite, on se met côte à côte et commençons à trottiner. Un demi tour de stade où je suis ému et heureux d’en finir. Aurélie et Nath me prennent en photo.
La redoute, 147 Kms, 53 m d’altitude. Arrivée : 49 heures 05, 813 ème. Il est 1 heures 05 du matin et j’en ai fini avec mon premier grand raid.
Les bénévoles chantent, nous félicitent. Je reçois la médaille, le tshirt « j’ai survécu », suis heureux tout simplement. Je laisse mes camarades, m’assois sur un banc aux cotés de Thierry Chambry, vainqueur du grand raid en 2007 et copain de club. Je lui raconte ma course….. Je ne sais plus trop ce que je lui ai dit,….. un peu ailleurs le Arnaud. Je me pose sur l’herbe, me change. Natacha s’endort. Elle aussi, elle en a fini avec son grand raid. Aurélie m’accompagne pour manger mais je ne suis pas bien. Je me sens nauséeux et tombe de fatigue. Je quitte le stade pour retrouver mon lit. Je me suis réveillé plusieurs fois en me croyant sur le parcours. Non, c’est bien fini.
Le lendemain, je suis satisfait d’autant plus que je me sens bien. Pas de tendinites, bursites, crampes (vive l’homéopathie),…. Une course sans complications. Je déplore juste des irritations jusqu’au sang au niveau des entre cuisses, des mollets durs comme du granite breton (bah oui) et une jolie perte de poids. Je mettrai quelques jours à récupérer de la fatigue ceci dit. D’autant plus que je recevais des amis et que je me suis fait un plaisir de les accompagner dans la découverte de cette magnifique île.
Je remercie toutes les personnes qui m’ont soutenu de près ou de loin dans cette belle aventure. Un merci plus particulier à ma chérie pour sa superbe assistance tout au long du parcours. Je suis très fier d’elle, de son amour. Merci à ma kiné. Mon merci pour elle c’est mon arrivée à la redoute sans tendinites. Merci à ma famille, mes amies, les copains du club, Mathieu pour son massage réfléchissant et surtout remotivant, tous les bénévoles sur l’ensemble du parcours pour leur gentillesse et dynamisme.
A bientôt pour une nouvelle aventure………..
Pour infos : temps des personnes rencontrées au cours du grand raid :
Fabien : 43 h 25 ; 547 ème.
Willy : 43 h 25, 548 ème.
Jean Christophe : 46 h 03, 665 ème.
Michael : 46 h03, 666 ème.
Philippe : 47 h 45 , 753 ème.
Le monsieur du taibit et ses crampes : 815 eme en 49 h 05.
Olivier : 49 h05, 812 eme
Pascal : 49 h05, 814 ème.
Laurent Jalabert : 47 h 05, 716 ème.
Vainqueur : pascal parny en 21 h40.
Dernier dans les délais : 1409 eme et dernier arrivant en 64 heures (heure limite d’arrivée à st denis).